20.1.16

Mon enfant a un problème



Mon crapaud a fêté ses 3 ans au mois de mai dernier. Ses 3 premières années ont été un véritable enfer. Avec le recul que j'ai maintenant, je ne sais toujours pas comment j'ai fait pour tenir, ni ce qui me donne la force de continuer aujourd'hui.
Petit, il ne faisait que hurler. Comme tous les bébés vous allez me dire. Eh ben non, car maintenant que nunuche est arrivée dans ma vie, même si on dit  qu'il ne faut jamais faire de comparaisons, on le fait. Et nunuche, elle, elle pleure quand elle est fatiguée, ou que sa couche est sale et même parfois quand elle a faim, allez comprendre pourquoi je trouve ça bizarre.
 Car mon crapaud, depuis sa naissance et jusqu'à ses 7 mois environs, il hurlait, hurlait, hurlait. Il s’arrêtait pour manger, quelques rares fois pour dormir ( il n'a fait ses premières nuit qu'à partir de ses 1 ans) autrement, à l'image d'un jouet avec un bouton coincé, mon petit garçon avait un interrupteur coincé sur "pleurs".J'ai demandé de l'aide. Le pédiatre m'a dit : " Reflux douloureux" ou " un bébé ça pleure c'est normal". Ma mère avait aussi son mot à dire " Laisse le seul, qu'il apprenne à se calmer, c'est de ta faute, tu l'a toujours dans les bras". Soit. Mais aucun ne savait ce que je subissais vraiment au quotidien.
Dès qu'il a sû marché il y a eu comme une trêve ( le calme avant la tempête comme on dit). C'est à cette période que nous avons le plus de souvenirs de notre enfant. Des photos de lui souriant, des vidéos de ses gazouillis, des éclats de rires, des souvenirs que nous n'oublierons jamais. Notre bonhomme qui essaie de courir avant de marcher, c'est également l'époque où nous avons acheté un chien. Une belle complicité naissante. Ça a duré un temps, 5 mois à tout casser.
Et puis .... je ne me souviens plus vraiment ce qui a déclenché toute cette fureur, en décembre 2013. Était-ce le fait que le papa militaire était reparti en mission ? Ou bien de la jalousie avec la nounou qui a accueilli un nouveau bébé de 6 mois ? C'est ce que je pensais, à l'époque. Il était agressif envers les autres enfants, désobéissant. Il faisait des crises quand il n'avait pas ce qu'il voulait. Rien à voir avec des caprices, RIEN. Quand un enfant fait un caprice, il hurle, pleure, se roule parterre puis ça se finit comme ça avait commencé, si ce n'est pas une légère "bouderie" qui s'installe. Oh ... il m'en a fait des caprices mon petit crapule, histoire de connaitre les limites à ne pas franchir. Mais il me faisait également des crises d’hystérie ( *** petite musique de muse qui me passe par la tête***) c'est a dire il se mettait dans une rage folle. Comme si quelque chose dans son petit cerveau d'enfant avait grillé. Il pouvait en faire sans crier gare, sans vraie raison : au sortir de la sieste, quand je l'attachais dans la voiture, en balade, en cas de contrariété aussi.  Il se mettait dans des états IMPOSSIBLES, il devenait rouge de colère, criait à la mort comme si on le battait PENDANT 45 MINUTES AU MINIMUM, s’arrêtait de respirer sous le coup de l'émotion, et se faisait MAL. Je me souviens à 1 an et demi lorsqu'il s'est donné des coups avec sa tête contre le mur, qu'il s'était infligé une énorme bosse au dessus de l’œil et qu'il a gardé un coquard pendant 3 longues semaines. CE genre de crises, vous connaissez ?
Il n'y avait rien a faire, je criais, il criai plus fort que moi. J’essayais de le calmer en le prenant dans mes bras, il me griffait et me mordait. Dans ce genre de situation, la voix de ma mère résonnait dans ma tête, celle qui me disait que je ne faisais pas assez bien, que je n'arriverai pas à m'en occuper toute seule et que j'étais une INCAPABLE. Eh ben, j'ai cédé. J'ai cédé à la facilité. J'ai cédé à la violence. Il en a eu des fessées, plus fortes les unes que les autres. J'ai honte. j'ai honte mais je le confesse. ça n'a servi à RIEN, si ce n'est à tourmenter un peu plus l'esprit de mon fils déjà en souffrance. Les crises se rallongeaient au contraire. Et plus il criait , plus je m'énervais. Céder à la violence, c'est facile mais pas une solution. Mais ça, je ne l'ai appris que bien plus tard. En attendant je me "défoulais" car je n'en pouvais plus, j’étais à bout et je n'avais pas d'aide.
L'histoire a pris un autre tournant quand, en juillet 2014, ma nounou, à bout, qui le gardait depuis ses 3 mois, n'en pouvait plus de ses crises et de la violence qu'il portait envers les autres petits et m'a donné sa démission. Jusqu’à très récemment , je lui en voulais. Je lui en ai voulu qu'elle laisse tomber un pilier stable de la vie de Florian, comme si ça allait l'aider à se calmer, c'était elle qu'il voyait tous les jours, c'est d'ailleurs à elle qu'il a dit " je t'aime de tout mon cœur" en premier.  Et cerise sur le gâteau, j'avais des indemnités indécentes à lui payer car elle avait prévu de poser tous ses congés en Aout. Aujourd'hui , avec le recul je la remercie. Nous sommes d'ailleurs restées en contact et devenues amies. Je la remercie d'avoir été assez forte de ne pas avoir cédé à la violence, d'avoir posé un " ola" plutôt que de continuer.
A cette époque là, j'ai consulté une sophrologue. Il fallait recommencer sur d'autres bases saines. J'en étais consciente, surtout que mon tout petit, qui commençait à peine à parler, devrait recommencer à s'attacher à une autre nounou, que son papa allait de nouveau ne plus être présent pour un temps. Il nous fallait de l'aide. C'était cher. Très cher. 50 euros la consultation de 40 minutes même pas remboursé par la mutuelle. ça fait mal au cul comme on dit. Est ce que c'était vraiment utile ? j'ai un avis plutôt mitigé sur la question. Pour être honnête, je cherchais de l'aide et du réconfort et la dame en face de moi me donnait une liste de livre et me demandait mon chéquier. Bref. j'ai acheté des livres et j'ai fait notre "thérapie de famille" toute seule avec ma lampe de chevet : "j'ai tout essayé " de Isabelle Fiozat , "se faire obéir sans crier " de Barbara Uneli et autres livres sur la psychologie enfantine et pédagogie positive.  Eh ben j'en ai appris des choses et des astuces ! Ca m'a fait du bien et permise de beaucoup relativiser. J'étais une maman plus zen, plus sure de mes méthodes éducatives. La nouvelle  nounou, je ne l'ai pas laissé tomber. je l'ai soutenue, car je sais que j'ai un fils difficile. Elle a voulu laisser tomber plusieurs fois. Mais mon fils avait besoin d'attention, de beaucoup d'attention. On était jamais à l'abri d'une bêtise -morsure envers un copain- jet de sable sur les copines- encore et toujours ces crises d’hystérie.
En parlant de ses crises, elles disparaissaient, tout doucement et progressivement. On est passé de 2-3 crises de 45 min quotidienne,  à 1-2 crise de 15 minutes HEBDOMADAIRE. j'étais très à l'écoute de la nounou et nous appliquions les mêmes méthodes chez elle qu'à la maison. par exemple en cas de crise, il est mieux de le prendre dans les bras, même s'il griffe, même s'il essaie de s'échapper ,même s'il crie et veut se faire mal. Lui dire qu'on est là, qu'on ne s'en ira pas ( grâce aux livres lu, je savais enfin que ma première intuition était la bonne depuis sa naissance et la voix de ma mère qui me trottait dans la tête, je ne l'écoutais plus) mais que, comme elle a d'autres enfants, et qu'elle ne peut pas porter constamment toute son attention sur lui , mieux vaut l'isoler dans son lit pour pas qu'il se fasse mal le temps de la crise plutôt que de le laisser dans la salle de jeux, au milieu des autres enfants.
Tout allait toujours en progressant, si bien qu'en Mars/ Avril 2015, je ne déposais plus mon fils la peur au ventre de me faire lâcher par la nounou ou par la peur qu'il agresse une énième fois un autre de ses copains. Il devenait même attentif et doux envers les bébés, ce qui ne faisait que me rassurer puisqu’à ce moment là, j’étais enceinte de nunuche <3.
 La descente aux enfers se fit plus tard, après la naissance de la petite : début Aout, après l'arrivée de bébé, 5 jours après pour être précise, je quittais pour la PREMIERE fois le cocon familial pour me faire hospitaliser une semaine à nouveau, suite à une infection de l'utérus. Comme le germe était dangereux, mon fiston n'avait pas le droit de venir me voir. Par chance j'ai pu garder la petite, que j'allaitais, avec moi  (et que j'allaite toujours d'ailleurs). Moi qui m'inquiétais énormément pour mes hommes, tout se passait admirablement bien à la maison. Mon cher et tendre mari n'a jamais autant pris son rôle de père en main : il était plus autoritaire mais toujours aussi bienveillant. Alors qu'avant, il l'encourageait presque à faire des bêtises ( je me souviens quand il lui a appris à faire du vélo-cross avec une draisienne , mon coeur de maman s'est arrêté), durant toute la période de mon hospitalisation il s'était montré raisonnable comme jamais. A mon retour à la maison, mon fils me boudait. Je crois qu'il m'en voulait d'avoir emmené sa soeur et pas lui pendant que je me faisais soigner. Allez expliquer ça à un gamin de 3 ans !
Mais dans la folie de la vie, tout s'est enchainé : au lendemain de ma sortie d'hospitalisation, nous voila partis pour 2 semaines chez la famille en Alsace. Et, à peine 3 jours après être re-rentré chez nous a la maison, il y a eu pour la première fois la rentrée à l'école. Tout le monde était impatient. j'avais tellement hâte qu'il se fasse des copains, qu'il apprenne pleins de choses, qu'il fasse pleins d'activités et tout et tout : une vision bienveillante d'une maman qui voit son fiston grandir. Mais j'avais, inconsciemment aussi envie de me reposer un peu après tout ce déluge d’événements et profiter de ma maternité toute fraiche enfin.
Ce ne fut pas le cas.
Dès le premier jour d’école, je me suis faite convoquée pour le comportement "non compatible avec la vie scolaire" de mon fils. Lui, le même avec qui ont avait progressé pendant 1 an et demi , et qui, justement avait DEJA été gardé en communauté: en effet , la dernière nounou travaillait en MAM et pendant les vacances il avait été gardé à la crèche, et les incidents étaient très RARES. Mon fils, dans lequel je mettais tellement d'espoir qu'il puisse enfin s'épanouir dans tous les domaines. Tout le monde des bisounours que je m'étais construit s'écroulait. Il s'était remis à mordre, à taper, à pousser, à cracher, à répondre à la maitresse sur un ton menaçant, à crier et à pincer. La maitresse l'aura même décrit comme " un petit chien qui se balade ,fait le fou dans la classe et qui n'écoute personne et ne calcule personne".
Il n'aura pas le droit de rester la journée à l'école. Je devrais le garder tous les après-midis chez moi, pendant mon congé maternité. Soit. C'est mon enfant je l'assume. Mais la situation ne pouvait pas durer toute l'année : tôt ou tard je reprendrai mon travail et il faudra songer à une autre solution.
Cette fois-ci encore je demandais de l'aide. Une psychologue cette fois-ci. En contact avec la maitresse qui plus est. Pour être honnête, les premières séances, je ne vis aucune différence. Encore une fois, je me mis à interroger les circonstances extérieures : le papa était reparti en formation de reconversion à Lyon pendant 2 semaines. Mais en parallèle, je faisais aussi un travail sur moi-même, à nouveau je relis les livres sur la pédagogie qui prenaient la poussière, car j'entendais la voix de la colère qui se faisait de plus en plus forte. Et c'est d'autant plus difficile de ne pas la laisser sortir quand :
* tu n'as pas dormi pendant des jours car tu as aussi un nourrisson
*  tu es seule à la maison pour assumer un gamin à problèmes, un bébé et un chien
* lors d'une balade ton fils se jette volontairement dans l'eau d'un lac boueux alors que tu as ton bébé en écharpe
* ton fils refait la peinture de sa chambre à coup de sauce tomate
* ton fils te tape et te pince sans raison apparente
* ton fils recommence à faire des crises d’hystérie alors qu'il avait arrêté depuis des mois ...

Eh ben, tu tombes soit dans une dépression, soit dans de la colère et les fessées. J'ai du mal à trouver une autre recette avec de la fatigue. En ce qui me concerne je suis toujours un peu borderline. J'essaie de toute mes forces de garder mon calme, de poser des limites harmonieuses , d'expliquer chaque situation et bêtises qu'il fait et la seconde d'après, quand le vase déborde, j'ai envie de m'arracher les cheveux, de le jeter par delà la pièce, de l'enfermer dans la cave et d'autres idées encore plus noires. ça me fait mal de le dire mais j'y pense et des fois tellement fort que je crois qu'il arrive à le lire dans mes yeux. Et là je vois son regard apeuré, le même que moi j'avais quand ma mère se mettait dans tous ses états, je me revois en elle. ça me fait mal, ça me fait peur, je n'en veux plus. Je suis à bout moi aussi. Moi aussi je veux démissionner comme ma première nounou. STOP, j'arrête le contrat reprenez mon fils j'en change et je garde la petite dernière, de lui, faites en ce que vous voulez, je m'en fiche.
Et puis je relativise, je culpabilise d'avoir pensé tout ça. C'est un cercle vicieux dans lequel il n'y a pas d'issue possible. A chacune de ses bêtises je lui trouve des excuses: quand il était petit, c'était les reflux, s'il était agressif c'est que son papa partait. "Mais non si ça se passe mal avec la première nounou c'est qu'il est jaloux du nouveau bébé, ça va passer" et depuis cet été je lui en ai trouvé des nouveaux:
 " il a perdu tous ses repères, ça va passer "
 "c'est qu'il doit s'habituer à sa sœur, ça va passer"
"cette semaine ? normal qu'il soit infect, son papa est encore parti"
" il est fatigué parce qu'il a encore fait des cauchemars, c'est normal qu'il soit grognon"
ET puis quoi encore ? D'habitude mon fils est adorable , calme et pleins de douceur et de patience, il y a juste un petit truc que j'arrive pas à expliquer qui fait que aujourd'hui et aujourd'hui seulement il est infect, mais ça va passer et tout redeviendra comme avant, promis. ça va passer . CA VA PASSER.
CA VA PASSEEEERR
Pardon ? Ah oui c'est vrai il n'a jamais été calme.
Je dois vraiment arrêter de lui trouver des excuses. Je suis une maman. Et comme pour toutes les mamans, notre propre fils est un être exceptionnel qui n'a pas de problèmes. Je vais casser le cliché et arrêter d'être dans le déni: mon fils a un gros problème. Je ne sais pas quand ça a commencé, je ne sais pas ce qu'il a , ni si j'en suis un peu ou pas du tout responsable. Mais j'ai besoin d'aide, moi aussi. Seule avec lui, je ne m'en sors plus. Car s'il était vraiment si exceptionnel que ça pourquoi tous ces soucis avec toutes ces personnes habituées à travailler avec des enfants ? La nounou ? La maitresse ? Les dames de la cantine ?
Car oui, ce qui a déclenché cette folle envie d'écrire, c'est ça : maintenant que depuis septembre on se serre les coudes, Florian, la maitresse, la psychologue et moi pour voir le bout du tunnel avec des semaines où ça va pas du tout aller et pour au résultat avoir 1 ou 2 jour dans la "norme", après tous ces sacrifices où on a décidé d'un commun accord de le laisser une seule journée entière par semaine à l'école, journée où il va à la cantine, ou il apprends de nouveau tout doucement a prendre un rythme pour quand je travaillerai ...
Aujourd'hui j'ai reçu un courrier pour me dire qu'au prochain avertissement mon fils serait radié de la cantine. Il n'y était en tout que 7 fois. Je comptais l'y mettre progressivement tous les jours pour qu'il s'habitue quand je reprendrai le travail.
Je reprends le travail dans 1 mois. Youpi . Comme on dit l'espoir fait vivre.

EDIT du 17/01/2016 : Après avoir fondu en larmes, à n'en plus savoir que faire, je sais enfin de quoi souffre mon doudou.
C'est lors de sa visite médicale en vue de ses 4 ans, que par précaution, la medecin de la PMI lui a prescrit une prise de sang : elle le trouvait fatigué avec de grosses cernes, le teint blême et des bâillements incessants. Ce à quoi je lui ai répondu qu'il a toujours été plus ou moins comme ça, l'ait fatigué, l'air agité, et ce depuis des mois, voire des années. Un bilan sanguin complet donc: testé le sucre (diabète ?), le magnésium ( hyperactivité ?) et le fer ( anémie?). Résultat ? Anémie sévère. Cela faisait certainement tout aussi longtemps qu'il l'avait, vu les taux inquiétants qu'il avait ... un enfant normal le taux de fer dans le sang se situe entre 30 et 150ng ... Lui avait en dessous de 10. Du coup, grosse fatigue. Et tout le monde sait à quoi ressemble un gamin fatigué : agitation, pleurs, cris, irritabilité. Lui l'était au quotidien. Et dire que pendant toutes ses années j'ai cru que c'était PSYCHOLOGIQUE alors qu'il y avait un problème BIOLOGIQUE.
Quel soulagement ! cela se traite bien, un sirop enrichi en fer et hop! c'est reparti. J'ai envie de pleurer tellement il a changé en si peu de temps. Je ne dis pas que c'est un ange non plus, mais il est calme, plus attentif et ... quand il est contrarié, il ... boude ! Jamais vu ça chez lui ( c'était crise d'hystérie et casse de jouets ), j'ai l'impression de ne jamais l'avoir connu, comme si je découvrais une nouvelle personne ... Je vous tiendrai au courant de l'évolution ( d’où vient réellement cette anémie ?)  mais on est enfin sur la bonne voie :)

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